Dans de nombreux recrutements, un décalage persiste entre ce qui est mesuré et ce qui crée de la valeur dans le poste. Les codes relationnels, l’aisance en entretien ou la rapidité de réponse prennent parfois plus de place que la résolution structurée d’un problème, la rigueur d’exécution ou la créativité focalisée. La neurodiversité (TSA, TDAH, HPI) met ce décalage en pleine lumière : des talents existent, mais les outils et formats classiques laissent passer des signaux décisifs.
Un changement de focale s’impose : moins de “style”, plus de “preuve de travail”.
Cadrer l’essentiel sans diluer l’exigence
Un poste se résume rarement à une personnalité “agréable” ou à une parole fluide. Il se résume bien mieux à quelques fonctions essentielles: produire une analyse fiable sous contrainte de temps, maintenir un niveau de qualité constant, résoudre des problèmes ambigus, collaborer autour d’artefacts (documents, code, process). À partir de là, les critères deviennent tangibles: ce qui doit être livré, dans quelles conditions, avec quels repères de réussite. Un tel cadrage ouvre la porte à des évaluations plus justes pour des profils atypiques et, surtout, plus prédictives pour tous.
Quand l’évaluation ressemble au travail, le talent émerge
- Un cas simple : un analyste données, TSA, peine en entretien à improviser. Sur une étude de cas structurée, livrée avec consignes claires et un fichier bruité, l’analyse ressort d’une précision remarquable: hypothèses explicites, nettoyage reproductible, visualisations pertinentes. Le poste exige justement cela.
- Autre scène: une cheffe de projet avec TDAH alterne fulgurances et trous d’air dans une discussion ouverte. Une simulation avec backlog, contraintes clients et aléas planifiés révèle un sens aigu des priorités, une synchronisation fine avec les parties prenantes et une capacité à “débloquer” l’équipe dans les moments critiques.
- Côté HPI, un exercice trop simple déclenche un ennui visible et une performance en dents de scie. Le même profil, face à un problème complexe qui appelle structure, arbitrage et créativité appliquée, déploie une pensée systémique utile au poste.
Dans chaque cas, le “work sample” prend le dessus sur l’impression générale.
Des aménagements qui renforcent l’équité
Les adaptations ne créent pas d’avantage indu ; elles permettent de mesurer la bonne chose dans de bonnes conditions:
- Consignes écrites, exemples d’attendu, vérification de compréhension en langage concret.
- Possibilité de temps supplémentaire si la vitesse n’est pas un critère clé.
- Environnement calme, pauses planifiées, stimuli visuels et sonores limités.
- Liberté de mode de réponse sur certaines étapes: oral, écrit, démonstration.
Ce cadre bénéficie aux personnes autistes, avec TDAH, à haut potentiel… et, en réalité, à la majorité des candidats.
Entretiens qui évaluent ce qui compte
Un entretien structuré ne tue pas l’authenticité; il structure l’équité. Une grille d’indicateurs liée aux critères du poste, une notation partagée entre évaluateurs, quelques questions comportementales concrètes, et les biais liés aux codes sociaux reculent. Les styles de communication variés trouvent leur place : réponses laconiques mais exactes, silences de réflexion, regard fuyant, ton neutre. L’important reste la trace de compétence: raisonnement, exemples ancrés, preuves de transfert.
L’évaluation collective sans surbruit
Les exercices de groupe font parfois écran. Une dimension collective peut être utile lorsque le poste l’exige; elle devient stérile si le bruit, la compétition artificielle ou l’ambiguïté dominent. Des règles claires, des rôles explicites et la possibilité d’une alternative individuelle quand la coopération n’est pas clé pour la mission ramènent l’éclairage au bon endroit.
Former le collectif : quand les biais se débranchent
Le “fit social” ou le contact visuel sont des indicateurs pauvres de performance sur la plupart des métiers. Une sensibilisation ciblée sur les biais fréquents, la charge sensorielle, les bonnes pratiques d’entretien, adossée à des checklists et scorecards, améliore immédiatement la qualité des décisions. Un audit périodique de la validité prédictive (corrélation critères vs. performance à 6–12 mois) sécurise la démarche.
Onboarding : prolonger l’évaluation juste par un environnement juste
Un plan 30–60–90 jours, des objectifs mesurables, des points d’étape écrits, des aménagements simples (casque anti-bruit, espace calme, checklists partagées, priorités claires) transforment une bonne évaluation en intégration réussie. La neurodiversité cesse alors d’être une “singularité” pour devenir un facteur régulier de performance.
Trois repères concrets
- Chaque étape d’évaluation montre-t-elle une compétence utile au poste, observable et mesurable?
- Une preuve de travail (work sample, étude de cas, mini-mission) est-elle au cœur du dispositif?
- Les conditions d’évaluation permettent-elles à des styles cognitifs différents de démontrer leur valeur, sans baisser l’exigence?
La neurodiversité n’appelle pas une indulgence; elle réclame une précision. Lorsque l’évaluation mesure le travail réel, les talents atypiques cessent d’être “atypiques” et deviennent simplement essentiels.
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